Midi Libre
La Catalane Marine Martin fait la guerre à un médicament, la Dépakine. Premiers succès.
Pas une victoire, pas encore. Pour Marine Martin, 2015 est surtout l’année de la reconnaissance d’une cause, la légitimité de son combat contre un traitement antiépileptique, le valproate de sodium, connu sous les noms de Dépakine, Micropakine, Dépakote ou Dépamide. C’est avec de la Dépakine que Marine Martin, 43 ans, une Catalane de Pollestres, a soigné une épilepsie sévère. Sous Dépakine qu’elle a accouché à Montpellier d’un premier enfant, en 1999. De son deuxième en 2002. Aujourd’hui, le handicap manifeste de Nathan, 13 ans, interpelle la maman. La famille multiplie les consultations pour comprendre les troubles de comportement et du langage, les retards de motricité. Une longue errance médicale. En 2009, Nathan a 7 ans. Marine Martin s’effondre en tombant par hasard sur le site internet du centre de référence sur les agents tératogènes, ces médicaments qui, chez la femme enceinte, sont responsables de handicaps pour le bébé à naître. « Quand j’ai vu les effets de la Dépakine sur les enfants, j’ai reconnu le mien. » Pire, elle découvre que les effets du valproate sont connus. Elle n’aura de cesse de faire reconnaître la responsabilité de l’État – « il y a eu une volonté délibérée de ne pas réagir » – et du laboratoire Sanofi qui a mis la Dépakine sur le marché en 1967. « Nulle part on ne vous avertissait des risques alors qu’une note du ministère de la Santé préconisait, dès 1989, de ne pas prescrire la Dépamide aux femmes en âge de procréer. On savait. Peut-être même avant. » « Pourquoi l’État n’a pas réagi ? » Marine Martin l’imagine : « Les enjeux financiers sont trop importants. »
Une réaction de citoyen
En 2015, elle touche au but. L’Agence nationale de sécurité du médicament et la Haute autorité de santé appellent à la vigilance ; le parquet de Paris ouvre une enquête, après que Marine Martin a engagé une action pénale contre Sanofi pour « tromperie aggravée », trois ans après le début d’une procédure civile. L’État a également chargé l’inspection générale des affaires sociales (Igas) d’une enquête. Des coups de maître. « Je n’étais pas destinée à ça », rappelle Marine Martin, diplômée en science de l’éducation, mariée à un conseiller principal d’éducation, emploi jeune dans une école puis salariée d’une société de transport. Elle s’avère pourtant fine stratège. D’abord, elle prend pour avocat Charles Oudin, révélé dans l’affaire du Médiator : « Je l’ai vu à la télé, il a accepté. Il m’évite de tomber dans les pièges. » Avant chaque sortie médiatique, il répète « les trois messages essentiels à faire passer ». Elle, travaille ses dossiers avec acharnement, accumule les preuves. Ensuite, elle ne part pas seule. En 2011, Marine Martin a créé l’Apesac (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant), qui réunit 550 familles et un millier d’enfants. Surtout, elle ose. D’autant plus que le corps médical freine. Son généraliste lui a lancé : « Pour qui vous vous prenez ? » « Vous savez dans quoi vous vous embarquez ? », l’a prévenue le maire de son village. « Finalement, je n’imaginais pas que ce serait aussi simple. On idéalise les politiques de très haut niveau. Ils sont comme tout le monde, on retrouve les conflits d’argent, d’intérêt… En tant que citoyen, il faut réagir. Sinon, qui le fera ? », interroge celle qui prend modèle sur la journaliste Elise Lucet et Irène Frachon, le médecin du scandale du Médiator : « Sans elle, je n’aurais jamais osé. » L’année 2016 va démarrer fort, avec la publication du rapport de l’Igas. Le 14 janvier sort aussi Effets indésirables des médicaments, un livre de Clotilde Cadu, journaliste à Marianne, dans lequel elle témoigne. Mais pourquoi fait-elle tout ça ? « J’ai cette culpabilité d’avoir rendu mes enfants malades. C’est une thérapie. Je répare, d’une certaine manière, le tort que j’ai fait sans savoir. Je veux que le préjudice qu’on a subi soit reconnu. »Ses gamins vont « plutôt bien », « ils sont fiers de leur maman ». Une maman qui enrage de voir toujours des mères engager une grossesse sous Dépakine.
Source : http://www.midilibre.fr/2016/01/03/,1264701.php