Le Populaire du Centre
En Limousin, sept familles seraient concernées par ce problème. Certaines constituent un dossier et envisagent de porter plainte.
Faustine est une jolie fillette de 11 ans, vive et débrouillarde. Au premier abord, impossible de détecter un quelconque problème, mais très vite, elle laisse voir des troubles du langage, de compréhension et de comportement. En cause, selon sa maman, Angèle Podetti, une habitante de Bellegarde-en-Marche (Creuse), la Dépakine (ou valproate de sodium), un médicament qu’elle prenait pour éviter les crises d’épilepsie.
Courant mai, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué que cet antiépileptique ne pouvait plus être prescrit aux femmes en âge d’avoir des enfants, « sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses ». De même, sa prescription initiale, désormais réservée aux psychiatres, pédiatres et neurologues, doit faire l’objet d’un accord écrit de la patiente.
« Je n’ai jamais été informée de quoi que ce soit »
Des précautions tardives ? Les effets de la molécule sur le fœtus soulèvent des doutes depuis le début des années 1980. Mais il a fallu attendre avril 2015 pour que sur la notice du médicament, le valproate soit considéré comme « dangereux pour l’enfant à naître s’il est pris pendant la grossesse ».
Trop tard pour Angèle Podetti, qui a accouché en 2003. « Je me souviens très bien. C’était en 2002, j’ai fait part de mon désir d’enfant à mon gynécologue. Il a appelé mon neurologue, qui lui a dit que mis à part un risque de spina bifida [une malformation grave de la moelle épinière, ndlr], il n’y avait pas d’autre problème et que si cela arrivait, on le verrait à l’échographie et on pourrait aviser. On a même lu la notice du Vidal ensemble. » Aucune mention d’un possible retard moteur ou intellectuel. Les neuf mois de grossesse se passent bien. « Faustine a grandi, elle n’a marché qu’à 21 mois, ne parlait pas… Je me souviens d’elle, amorphe, dans son parc à jouets. Son développement n’était pas celui d’un enfant de son âge. C’est quand elle a eu quatre ans que j’ai entendu parler du lien qu’il pouvait y avoir entre mon traitement contre l’épilepsie et son handicap. »
À Bessines, en Haute-Vienne, Sandra Pardoux, traitée elle aussi pour son épilepsie, a accouché de Gwenolan en 2006, l’année où les premières précautions vis-à-vis des femmes enceintes ont accompagné l’autorisation de mise sur le marché du médicament. « Je n’ai jamais été informée de quoi que ce soit durant ma grossesse », constate, amère, cette maman de 36 ans. Le diagnostic d’embryofœtopathie au valproate – le nom donné à une série de symptômes neurologiques et de malformations – a été posé pour son fils, en septembre dernier, par un généticien de Toulouse.
Des dossiers bientôt constitués
Sandra est en train de constituer un dossier, tout comme Angèle. C’est maître Charles Joseph-Oudin, connu pour avoir été l’un des avocats des victimes du Mediator, qui est en charge de les représenter.
« Cela fait quatre ans que je réfléchis à porter plainte, poursuit Angèle Podetti. Je rassemble les pièces médicales, aussi bien pour moi que pour ma fille. Récemment, j’ai envoyé pas moins de 18 courriers. C’est long, mais je suis déterminée. La vie de ma fille est gâchée, alors que j’aurais pu me passer de ce traitement. La preuve, j’ai arrêté depuis longtemps la Dépakine et j’ai eu une autre fille, il y a 18 mois, qui se porte bien. »
Hélène Pommier