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Futurs pères, gare à la Dépakine

Le Parisien 

Une vaste étude française révèle que l’antiépileptique pris par les hommes trois mois avant la conception augmente de 24 % les risques de troubles du développement neurologique chez l’enfant.

Quand sa petite Margot est née en 2008, cela faisait huit ans que Jean-Marc Laurent prenait de la Dépakine, prescrite à la suite d’une infection du cerveau. « À ses quatre ou cinq ans, on nous a alertés à la maternelle sur le fait qu’elle rencontrait des difficultés de synchronisation des mouvements ainsi que du langage, se souvient du papa qui a arrêté de travailler pour s’occuper de son enfant. Nous étions perdus et nous sommes allés voir plein de médecins qui lui ont finalement déterminé des troubles dys ».

Puis quand, au milieu des années 2010, il entend parler du combat des mères qui avaient avalé cet antiépileptique pendant leur grossesse, il fait immédiatement le rapprochement. Son intuition selon laquelle ce traitement est aussi dangereux pour les enfants à naître quand il est pris par le père vient malheureusement d’être confirmée.

D’après une grande étude du groupement français Epi-Phare, pilotée par l’Assurance maladie et l’ Agence du médicament , parue ce jeudi, la consommation du médicament pendant les trois mois avant la conception entraîne un risque de troubles du développement neurologique chez l’enfant supérieur de 24 % par rapport à la prise d’un autre traitement de la même famille. S’agissant des troubles du développement intellectuel, le risque est même deux fois plus élevé ! Soit 3,5 cas supplémentaires pour 1 000 enfants. C’est d’autant moins négligeable que l’on parle ici des troubles les plus lourds, ceux qui sont identifiés dans les bases de données de la Sécu.

On savait déjà qu’un surrisque était identifié si la maman avait pris ce médicament pendant la grossesse, puis des signaux ont commencé à apparaître concernant le père.

« Notre étude est la plus vaste et la plus convaincante sur ce sujet, car elle porte sur une population très large (près de 3 millions d’enfants nés entre 2010 et 2015). Comme on s’intéresse à des troubles qui sont heureusement assez rares, il faut se pencher sur de très grands groupes pour obtenir des résultats solides », expose Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe d’Epi-Phare et responsable de l’étude.

En France, une « sensibilité toute particulière »

Le résultat ne surprend pas Marine Martin, qui a été créée l’Apesac, une association d’aide aux parents d’enfants victimes de la Dépakine. « À partir de 2016, j’ai commencé à recevoir des appels de ceux que j’appelle les papas Dépakine, c’est-à-dire des hommes à qui on avait prescrit cette molécule avant la naissance de leur enfant, se remémore la lanceuse d’alerte. D’abord deux, trois puis rapidement une trentaine. C’est pourquoi nous avions demandé une étude sur les hommes ».

Rendu public en 2023, un travail de l’agence européenne du médicament constate de premiers signaux inquiétants. D’ailleurs, sans attendre ces nouveaux résultats, les autorités françaises avaient déjà limité les prescriptions de Dépakine (molécule valproate), commercialisé par le laboratoire Sanofi. Depuis janvier dernier, celles-ci sont réservées aux neurologues, psychiatres et pédiatres pour les adolescents et les hommes susceptibles d’avoir des enfants et une attestation cosignée par le médecin et le patient est requise. Ces mesures seront-elles encore durcies ? Il est trop tôt pour le savoir, mais « elles vont déjà plus loin que celles à l’échelle européenne, car il y a une sensibilité toute particulière sur ce sujet en France », souligne Rosemary Dray-Spira.

L’Apesac espère que cette nouvelle étude permettra l’indemnisation des « papas Dépakine » au même titre que les mères. « Nous espérons que des parlementaires se saisissent du sujet pour faire évoluer la loi dans ce sens », indique Marine Martin. Pour Jean-Marc Laurent qui vit depuis des années avec un « sentiment de culpabilité » qui le « ronge », la réparation financière est nécessaire parce que « nos vies ont été empoisonnées à cause d’un médicament ».

D’autres antiépileptiques sur la sellette

Mais le plus important est que les futurs pères sous traitement soient informés des risques. « Si on a un projet de bébé, il faut absolument en parler aux médecins » conjure-t-il. Pour pouvoir changer de traitements pendant la période de conception voire éventuellement au don de gamète.

Cette étude devrait également ouvrir la voie à des analyses sur d’autres produits chez les pères de famille. « Ces résultats ouvrent un nouveau champ d’investigation, qu’il faut absolument explorer, conclut Rosemary Dray-Spira. Il faut notamment aller voir ce qu’il se passe avec les autres épileptiques qui exposent les enfants à des troubles du développement neurologique quand ils sont pris par la femme pendant la grossesse, comme le topiramate. »

Source : Le Parisien

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