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L’action de groupe, une arme juridique au bien maigre bilan

La croix

Mise en place le 1er octobre 2014, l’action de groupe devait permettre aux victimes d’un même abus de se regrouper pour obtenir réparation en justice. Seuls cinq dossiers ont abouti en dix ans. La discussion sur une réforme est en suspens.

Parents de victimes de l’antiépileptique Dépakine manifestent devant le groupe Sanofi implanté à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), en 2018.
IROZ GAIZKA / AFP

« Mille fois promise, mille fois repoussée, l’action de groupe entre enfin en vigueur. » En ce 1er octobre 2014, Benoît Hamon, alors ministre chargé de la consommation, ne cache pas sa satisfaction. La nouvelle arme juridique de défense des consommateurs qu’il a défendue contre les craintes du monde économique voit le jour. Elle doit permettre aux victimes d’un même abus de se regrouper pour obtenir réparation en justice. Objectifs : un meilleur respect du droit et une redistribution « des rentes indues des professionnels vers les consommateurs », selon le ministre.

Dix ans après, le bilan est mince. Le champ a pourtant été élargi au-delà des litiges de consommation : les discriminations au travail, la protection des données personnelles, la santé et l’environnement disposent aussi de leur propre version de cette procédure groupée. Mais aucune avalanche de recours à l’horizon : 37 actions de groupe ont été lancées, dont 20 dans le domaine de la consommation, selon le décompte de l’Observatoire des actions de groupe, créé par Maria José Azar-Baud, maîtresse de conférences et experte du sujet. « Aucune nouvelle procédure n’a été initiée en 2023 ni en 2024 », relève-t-elle.

Sur les 37 actions, seules cinq ont eu une issue positive. Le cas le plus marquant est celui de l’antiépileptique Dépakine, ayant causé des malformations d’enfants suite à une prise du médicament par la mère pendant la grossesse. Le laboratoire Sanofi a été reconnu responsable en janvier 2022 par le tribunal de Paris. Mais il a fait appel. Provisoire, cette victoire n’en est pas moins la seule obtenue par la voie judiciaire à ce jour.

Quatre autres actions de groupe se sont réglées à l’amiable. Ainsi en janvier 2024, la banque BNP Paribas a mis un terme à l’action de groupe de l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) en s’engageant à régler le dossier des prêts « toxiques » Helvet Immo (des emprunts libellés en francs suisses). L’accord permet l’indemnisation de plus de 4 000 clients qui n’avaient pas participé au procès pénal contre la banque, pour un montant total d’environ 600 millions d’euros.

Les autres dossiers se partagent entre actions perdues par les associations et celles qui sont toujours en cours. L’association de consommateurs UFC-Que choisir a ainsi subi un revers au mois d’avril : son action contre Natixis pour défendre des épargnants lésés a été jugée irrecevable en première instance. « Le bilan de l’action de groupe est décevant. Une réforme est nécessaire pour la rendre plus efficace », commente Philippe Gosselin, député (Droite républicaine), coauteur avec Laurence Vichnievsky (ancienne députée Ensemble/MoDem) d’un rapport d’information sur le sujet en 2020 et d’une proposition de loi, en cours de discussion.

Par crainte des excès des « class actions » à l’américaine, qui a conduit à la création d’un véritable marché de l’action collective, la procédure française a été très encadrée. Trop ? Elle comporte notamment des restrictions sur le type de préjudice indemnisable et limite l’accès à la procédure aux seules associations agréées. « Elles sont peu nombreuses. La proposition de loi pourrait élargir le spectre », estime Maria José Azar-Baud.

Moins pessimiste, François Carlier, délégué général de la CLCV, considère que l’action de groupe a déjà surmonté certains de ses défauts de jeunesse. Une maladresse de rédaction de la loi initiale, cause de l’échec de plusieurs dossiers liés au logement, a été réparée dès 2018. « Et il a fallu aux associations un délai pour apprivoiser cette nouvelle procédure »,poursuit-il. Il se dit « optimiste sur l’issue de plusieurs affaires récentes » engagées par son association.

Reste que l’intérêt de la procédure est aussi limité par les délais à rallonge d’un système judiciaire en manque de moyens. Ils sont d’autant plus longs que l’entreprise attaquée se défend pied à pied. Dans l’affaire de la Dépakine, où un premier jugement a été obtenu en janvier 2022, l’action avait été initiée en mai 2017 par l’association Aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac). « Il faudra encore au moins quatre ou cinq ans avant que les familles puissent déposer un dossier de demande de réparation. Sanofi use de tous les recours possibles et imaginables »,se désole Marine Martin, présidente de l’association.

Du côté de la réforme à mettre en place, le processus est au point mort. Avant la dissolution, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un texte assez ambitieux. Mais le Sénat, plus sensible aux inquiétudes des entreprises, est largement revenu en arrière. « Les arguments sont à peu près les mêmes qu’il y a dix ans. On peut réformer sans mettre en difficulté les entreprises », commente Philippe Gosselin. La reprise de la navette parlementaire n’est pas programmée dans l’immédiat. Elle est pourtant nécessaire. La proposition de loi doit aussi servir à transposer la directive européenne sur l’action de groupe que la France devait effectuer avant fin 2022.

Article source : L’action de groupe, une arme juridique au bien maigre bilan.
Benjamin Douriez.

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