Dans la presse en 2022

Topiramate, prégabaline et valproate : l’ANSM alerte sur de nouveaux risques

Medscape

Alors que le laboratoire Sanofi et les autorités de santé sont toujours visés par de nombreuses plaintes suite au scandale de la Dépakine®, l’ANSM alerte sur de nouveaux risques neurodéveloppementaux et malformatifs liés à l’exposition au topiramate (Epitomax® et Gé.), à la prégabaline (Lyrica® et Gé.) et au valproate pendant la grossesse

 

Un surrisque important d’autisme et de déficience intellectuelle a notamment été observé avec le topiramate.

« Il est urgent d'instaurer comme on le réclame depuis 5 ans, un protocole identique à la Dépakine pour informer les femmes enceintes des dangers de ce médicament », a réagi Marine Martin, présidente de l’association Apesac (Association d'Aide aux Parents d'Enfants souffrant du Syndrome de l'Anti-Convulsivant) sur Twitter.

Les médicaments à base de topiramate, de prégabaline et de valproate sont utilisés tous les trois dans le traitement de l’épilepsie et respectivement dans la migraine pour le topiramate, dans le trouble anxieux généralisé et les douleurs neuropathiques pour la prégabaline et dans le trouble bipolaire pour les dérivés du valproate.

Topiramate : un surrisque d’autisme et de déficience intellectuelle

Une étude publiée dans le JAMA Neurol le 31 mai 2022 a mis en évidence une augmentation du risque de survenue de troubles du spectre autistique multiplié par 2,77 et de déficience intellectuelle multiplié par 3,47 chez les enfants de femmes ayant été exposées au topiramate pendant la grossesse versus celles non-exposées aux antiépileptiques.

L’étude portant sur les médicaments antiépileptiques en général, s’est appuyée sur plusieurs registres nordiques (Suède, Norvège, Finlande, Danemark, et Islande) à partir de données colligées entre 1996 et 2017, soit un suivi sur un total de près de 4,5 millions de mère-enfant. Elle a inclus 24 825 enfants exposés in utero à au moins un médicament antiépileptique et suivis en moyenne jusqu'à leur 8ème année.

Nous avons demandé à ce que ces données et leurs conséquences potentielles sur l’utilisation de ce médicament soient évaluées au niveau européen.

« S’agissant d’une nouvelle information majeure de sécurité, nous avons demandé à ce que ces données et leurs conséquences potentielles sur l’utilisation de ce médicament soient évaluées au niveau européen », indique l’ANSM qui en profite pour rappeler que « chez la femme enceinte, ainsi que chez la femme en âge d’avoir des enfants et n’utilisant pas de méthode de contraception efficace, notamment du fait du risque élevé de malformations, le topiramate :

ne doit pas être utilisé dans l’épilepsie sauf en cas de nécessité absolue
ne doit pas être utilisé dans la migraine
ne doit pas être utilisé dans toute autre situation hors de l’autorisation de mise sur le marché. »

Pour rappel, une étude de l’ANSM réalisée entre 2011 et 2015 à partir des données du SNIIRAM, avait montré que le topiramate augmentait significativement le risque de fente labiale (OR : 6,7) et de façon non-significative le risque d’hypospadias.

Au cours du temps, il avait également été observé des atteintes des organes génitaux et des petits poids à la naissance.

Prégabaline : confirmation du risque de malformations

En parallèle, de nouvelles données issues d’une étude observationnelle ont confirmé le risque de malformations liées à l’exposition à la prégabaline pendant la grossesse.

Une étude observationnelle portant sur plus de 2 700 grossesses exposées à la prégabaline au cours du premier trimestre réalisée dans 4 pays du Nord de l’Europe (Danemark, Finlande, Suède et Norvège), a révélé un risque de malformations congénitales majeures plus élevé (près de +1,5 fois) par rapport à la population non exposée et à la population exposée à d’autres antiépileptiques (la lamotrigine ou la duloxétine).

Le risque de malformation concerne de manière plus importante le système nerveux, l’œil, le visage (fentes oro-faciales), le système urinaire et les organes génitaux.
« L’information relative au risque de malformations congénitales majeures est en cours de mise à jour dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et la notice patient », indique l’ANSM qui rappelle que « la prégabaline ne doit pas être utilisée au cours de la grossesse, sauf en cas de nécessité absolue » et que « les patientes traitées par prégabaline doivent être informées des risques malformatifs associés à la prise de ce médicament en cas de grossesse et utiliser une contraception efficace pendant tout leur traitement ».

L’étude de l’ANSM réalisée entre 2011 et 2015 à partir des données du SNIIRAM, avait déjà montré que la prégabaline était associée à un risque significativement plus élevé de coarctation de l’aorte (OR : 5,5) et à une augmentation non significative du risque de communication inter-auriculaire et de craniosténose.

Valproate et dérivés : des malformations oculaires

Dans le cadre de l’évaluation continue au niveau européen des médicaments contenant du valproate et ses dérivés, les experts viennent de réévaluer l’incidence des risques malformatifs à 11 % avec une nouvelle mention, celle des malformations oculaires.

Avant cette réactualisation, l’exposition au valproate (Dépakine et Gé) pendant la grossesse avait été associée à des malformations et à des troubles neuro-comportementaux dans respectivement 10,73 % et 30 à 40 % des cas.

Valproate et dérivés peuvent limiter la fertilité chez l’homme

L’ANSM rapporte enfin, que chez l'homme, l’administration du valproate peut nuire à la fertilité en raison d’une diminution de la mobilité des spermatozoïdes en particulier. Ces troubles sont généralement réversibles après au moins 3 mois d’arrêt du traitement et possiblement réversibles après diminution de la dose.

« Les professionnels de santé doivent informer leurs patients qui auraient un projet de parentalité, afin d’évoquer avec eux la possibilité d’une adaptation de leur traitement », indique l’agence du médicament qui rappelle que « le valproate et ses dérivés sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse dans la prise en charge des troubles bipolaires et ne doivent pas être utilisés chez les femmes enceintes épileptiques, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique ».

A noter qu’une mise à jour du rapport de l’ANSM « Antiépileptiques au cours de la grossesse : état actuel des connaissances sur le risque de malformations et de troubles neuro-développementaux » est attendue pour la fin de l’année 2022.

Aussi, l'Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) du Royaume-Uni examine actuellement les données suggérant que les modifications génétiques déclenchées par le valproate de sodium pourraient être transmises de génération en génération. 

Source : Aude Lecrubier