Logo apesac
Rechercher

« Je n’arrive pas à croire que Sanofi dise que ce n’est pas dû à la Dépakine »

Le Telegramme

Véronique Kersual pensait que l’épilepsie serait la seule épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Elle ignorait que son médicament, la Dépakine, en serait une autre, plus sournoise encore, qui a frappé ses enfants. Elle est en colère.

Véronique Kersual et son époux, qui habitent en banlieue de Rennes, sont parents de deux enfants. Ils n’ont fait le lien entre la Dépakine et « les trucs qui clochent », comme elle dit pudiquement, Véronique Kersual et son époux, qui habitent en banlieue de Rennes, sont parents de deux enfants. Ils n’ont fait le lien entre la Dépakine et « les trucs qui clochent », comme elle dit pudiquement, qu’en 2015. Ils ont engagé une procédure civile contre Sanofi. (Le Télégramme/Thierry Charpentier)

Véronique Kersual hésitait à témoigner. C’est son fils Valentin (*) qui l’a convaincue : « Mais maman, il faut penser aux autres enfants. Il ne faut plus que ça arrive. Il faut que ça se sache ! ». Alors cette mère de famille nous a convié à la rencontrer, chez elle, en banlieue de Rennes. Elle a rassemblé ses souvenirs. Avec une précision d’horloger, elle a détaillé sa vie de femme et de mère, asservie, sans le savoir, par la Dépakine.

« J’avais 25 ans. J’étais en pleurs »

Tout a commencé à 18 ans, lorsqu’elle a fait une crise d’épilepsie, en plein restaurant universitaire. Elle venait d’entamer sa première année de fac, à Poitiers. « On m’a découvert un angiome artério-veineux ». Fin de l’insouciance. Cette tumeur vasculaire crânienne lui vaut une décennie d’allers-retours, une semaine par an, au centre hospitalier de Nancy, où elle subit des embolisations. Dans la vie de tous les jours, elle doit s’habituer aux réflexions à l’emporte-pièce. « Quand vous êtes épileptique, vous êtes cataloguée malade. Par exemple, lorsque j’ai voulu souscrire une complémentaire santé, un homme m’a dit : On n’assure pas une maison qui brûle. J’avais 25 ans. J’étais en pleurs ».

« Vous allez arrêter le gardénal et prendre de la Dépakine»

En 1992, puis en 1994, elle doit être opérée. « À la suite de ça, j’ai fait très peu de crises, en tout trois ou quatre. Mais on m’a mis sous antiépileptique ». Le gardenal entre dans sa vie. Elle achève ses études, à Nantes. Elle rencontre son futur époux à la Rochelle. Ils s’installent à Toulouse. « C’est là-bas qu’on décide de fonder une famille ». Un pari dangereux pour elle, l’accouche- ment pouvant réveiller des séquelles de ses deux opérations chirurgicales. « J’ai trouvé un neurologue avec qui je m’entendais bien ». Ce spécialiste lui dit : « Vous allez arrêter le gardénal et prendre de la Dépakine. Il y a des effets indésirables mais on va les surveiller ».

« On était baba devant notre fils »

Les effets indésirables ? « Ce neurologue me dit que mon enfant pourrait avoir soit un bec-de-lièvre, soit un spina-bifida (une excroissance dans le bas de la colonne vertébrale, NDLR). Ça fait peur mais on opère à la naissance. Je n’aurai pas arrêté ma grossesse pour un bec-de-lièvre ». Elle fait une fausse couche, puis retombe enceinte. À l’issue des trois premiers mois, le neu- rologue lui augmente sa dose de Dé- pakine. « On sait maintenant que c’est ce qu’il ne fallait pas faire… ». Valentin naît en septembre 1999. « On était baba de- vant notre fils », sourit-elle.

« On a longtemps cru qu’il était fainéant »

Sa petite soeur Juliette (*) arrive trois ans plus tard. Elle a beaucoup d’eczéma dans sa prime enfance mais les regards de ses parents sont surtout braqués sur Valentin. « Je vois bien qu’il a du mal à apprendre. En milieu de CP, il ne savait pas lire, il écrivait mal, ne s’intéressait pas à la lecture… On passait nos week- ends à faire des devoirs, l’été égale- ment… J’avais une boule à l’estomac en sortant du boulot car je savais qu’il fal- lait que j’attaque les devoirs. Le plus dur là-dedans, c’est qu’on a longtemps cru qu’il était fainéant ».

« Des trucs qui clochaient »

Valentin n’était pas fainéant, tenace plutôt. Il a suivi sept années d’ortho- phonie, a vu une psychomotricienne, un pédopsychiatre… « On a fait tous les rééducateurs possibles. Il y avait toujours un truc qui n’allait pas. Il a eu du mérite. On en est très fiers ! ». Obnubilés par les difficultés de Valentin, Véronique et son époux ont l’impression que Juliette s’en sort mieux. « Sauf qu’il y avait des trucs qui clochaient. À 22 mois, elle ne marchait toujours pas, elle souffrait d’hyper- laxité. Elle a eu une scoliose en CM2 et elle a une malformation des genoux qu’il faudra sans doute opérer ».

« Une maman se souvient de tout ! »

À force de travail et de volonté, Valentin suit aujourd’hui une licence « Conception de Produits Industriels » et Juliette est étudiante en LEA. En 2015, la famille est tout entière derrière Valentin qui s’apprête à passer son bac. Véronique Kersual s’accorde un moment de détente, un dimanche, devant l’émission « Sept à huit », sur TF1. « Je suis assise dans le canapé, et là, d’un seul coup, j’entends parler de Dépakine. Je ressens un coup de poing dans le ventre. J’ai fait instantanément tous les liens. J’avais tout en tête. Une maman se souvient de tout ! ». Sur le coup, la famille est sidérée. « Qu’est-ce qu’on fait ? Mon mari disait que le mal était fait », se remémore Véronique.

« Comment l’annoncer au père de mes futurs enfants ? »

Le couple décide finalement d’engager une procédure en justice. « Je n’aurais pas pu me regarder en face si je n’avais pas fait quelque chose ». La famille, plus unie que jamais, plonge dans les courriers en recommandé, les expertises médicales à la pelle. « La colère est montée au moment où j’ai commencé le dossier », remarque Véronique. Il est désormais clos. La procédure civile est en cours. « Si ça n’aboutit pas, on se joindra à l’action de groupe ». Être dans l’attente est devenu une seconde nature pour Véronique. Sa détermination demeure intacte. « Je n’arrive pas à croire, au regard du nombre d’enfants touchés, que Sanofi puisse dire que ce n’est pas dû à la Dépakine ! ». Elle espère, sans y croire, que le labo pharmaceutique financera des études pour pouvoir dire aux enfants Dépakine : « Voilà ce que vous risquez si vous voulez être parents ». Sa fille Juliette l’a rejointe : « C’est l’inconnu. On sait qu’il y aura des soucis plus tard. Comment l’annoncer au père de mes futurs enfants ? ».

 

Source : Thierry Charpentier

Adhésion & don

Vous souhaitez soutenir l’APESAC ?

Pour adhérer et/ou faire un don à l’association, cliquez sur le bouton ci-dessous.  

Articles à la une

Dépliant de l'APESAC

miniature depliantV2