Dans la presse en 2020

Dépakine : l’Etat condamné à indemniser trois familles

La Croix 

Les faits 

La justice a reconnu, le 2 juillet, la responsabilité de l’État dans le scandale de la Dépakine et l’a condamné à indemniser trois familles dont les enfants sont lourdement handicapés après avoir été exposés in utero à cet anti-épileptique.

Quelle est la responsabilité de l’État dans le scandale des « enfants Dépakine », du nom donné à ces personnes souffrant de malformations congénitales ou de troubles du comportement induits par la prise de ce médicament anti-épileptique qu’a pris leur mère durant sa grossesse ? Le 2 juillet, à l’issue des plaintes déposées par trois familles représentant cinq enfants, la justice a conclu pour la première fois à sa culpabilité à hauteur de 20 % à 40 %, selon les dates de naissance des enfants et le niveau de connaissance des risques – le reste étant à la charge des médecins prescripteurs et du laboratoire Sanofi.

L’État « a manqué à ses obligations de contrôle en ne prenant pas les mesures adaptées et a engagé sa responsabilité », a estimé le tribunal. Chaque famille percevra des indemnités d’environ 200 000 €, 157 000 € et 20 000 €, en fonction de la date de naissance des enfants, âgés aujourd’hui de 11 à 35 ans.

Une décision incomplète

« Je suis satisfaite que la justice ait reconnu les manques de l’État. Cette décision était attendue par les familles », observe Marine Martin, présidente de l’Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac), qui représente 7 500 victimes (1). « En revanche, poursuit-elle, je ne comprends pas la décision du juge dans le cas du dossier de Nicolas, né en 1985 qui sera dédommagé de 20 000 à 30 000 € pour ses malformations, mais s’est vu opposer un refus d’indemnisation pour ses troubles autistiques. »

Suivant les réquisitions du rapporteur public, le juge a considéré que le lien de cause à effet entre les troubles autistiques et la prise de la Dépakine n’ont été connus qu’en 2004. Avant, « seuls les risques de malformations étaient suffisamment documentés pour alerter la vigilance des autorités sanitaires », a estimé la justice. Une date, selon Marine Martin, en contradiction avec la loi du 28 décembre 2019 régissant le fonctionnement de l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) et qui stipule que dès 1984, des cas d’autisme avaient été signalés au service de pharmacovigilance de l’ANSM. « 80 % des enfants nés avant 2004 sont exclus des indemnités », dénonce-t-elle, rappelant que « l’autisme les rend invalides à vie et coûte cher pour leur venir en aide ». Pour cette raison, les requérants vont « faire appel dans les trois dossiers », a annoncé l’avocat des familles, Charles Joseph-Oudin.

Que s’est-il passé entre la mise sur le marché du médicament et la restriction de prescription ?

Mise sur le marché en France en 1967, la Dépakine – ou valproate de sodium – a fait l’objet d’études épidémiologiques dès 1984. Les médecins ont alors montré l’existence d’un risque (de l’ordre de 10 %) de malformations congénitales (anomalie de la future moelle épinière, fente palatine, microcéphalie). Idem en 2004 pour un risque (pouvant aller jusqu’à 40 %) de retard du développement. De son côté Sanofi a signalé en 2004 les risques de la Dépakine chez la femme enceinte, mais la modification de la notice d’information accompagnant le médicament n’a été faite qu’en 2006.

Aujourd’hui, on estime à environ 30 000 le nombre d’enfants nés avec des anomalies congénitales ou des troubles du comportement. Quant à la Dépakine, elle est interdite (sauf exception) aux jeunes filles, adolescentes et femmes en âge de procréer ou enceintes.

(1) Auteure de Dépakine, le scandale : je ne pouvais pas me taire, Robert Laffont, 2017.

Source : La Croix