Dans la presse en 2020

Traitée à la Dépakine et "orpheline" de son bébé, Nathalie veut faire reconnaître sa peine

Midi Libre: 1 juin 2020

 Nathalie Gervais, traitée par de la #Dépakine, un antiépileptique, a subi une interruption médicale de grossesse. La Montpelliéraine n’arrive pas à faire reconnaître correctement son préjudice.

Morgan aurait eu 15 ans en mai. Nathalie Gervais, une Montpelliéraine de 35 ans, se bat aujourd’hui pour que cet enfant condamné avant même de naître par le médicament prescrit à sa mère épileptique, la Dépakine, ne s’arrête pas à un dossier injustement soldé, juge-t-elle, par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Jusqu’au bout
"Je veux que Morgan soit reconnu, je mènerai mon combat jusqu’au bout", affirme posément la jeune femme, qui a vécu "comme une insulte", l’arbitrage de l’Oniam, tombé juste avant le confinement : 5 000 € d’indemnisation, réévalués de 1 000 €, "compte tenu des répercussions de cet acte".

Le 6 avril, en plein confinement, elle a adressé une demande de recours à Brigitte Macron, sans doute inaudible en pleine crise sanitaire.

Mais Nathalie Gervais n’en peut plus du silence. Elle raconte son histoire. "J’étais enceinte de trois semaines lorsque mon traitement contre l’épilepsie, le Lacmital, a été remplacé par de la Dépakine, que j’ai eu du mal à supporter, que j’ai même arrêtée. Le médecin m’a dit que je mettais en danger mon bébé, j’ai donc repris.""

Incompréhension et culpabilité
Si les risques inhérents à la Dépakine sont connus depuis 1982, il faut attendre 2006 pour que la notice mette en garde les femmes enceintes, 2015 pour que l’Agence nationale de sécurité du médicament alerte sur les risques d’autisme et de handicap chez le fœtus. 2019 pour les premières indemnisations de l’Oniam.

"J’étais presque à 8 mois de grossesse lorsque l’échographie a révélé une cardiopathie sévère du bébé. Il n’était pas viable, j’ai été anéantie", se souvient la jeune femme.

Traumatisée par l’interruption médicale de grossesse qui a suivi, Nathalie Gervais est partie "à la dérive". "Je voulais passer un bac pro et m’orienter vers la restauration, j’ai tout arrêté. Je me suis sentie incomprise. On me disait que j’étais jeune, que je n’avais pas connu le bébé… mais j’avais projeté ma vie avec", indique cette "maman orpheline", qui a longtemps culpabilisé en se demandant ce qu’elle "avait fait" pour ainsi nuire à la santé de l’enfant : "Ce que j’avais mangé, la cigarette que j’avais fumée…"

Reconstruction
"Quand j’ai vu Marine Martin (la lanceuse d’alerte sur la Dépakine, NDLR) à la télé en 2015, j’ai pensé tout de suite au petit. Mais j’ai d’abord cru que les dégâts se limitaient à l’autisme…"

"Le jour où j’ai compris que la Dépakine avait tué mon fils, les projets de vie sont arrivés." Nathalie Gervais vient de se marier, veut un enfant, engage une reconversion professionnelle… et ne lâche pas le long et bouleversant combat engagé pour faire reconnaître comme victime son fils décédé, avec une réparation à la hauteur du traumatisme : "Si on reconnaît les victimes, on les reconnaît toutes. Ce n’est pas un combat pour l’argent. La faiblesse de l’indemnisation est une insulte, un mépris total pour Morgan. Je pensais que ce combat me permettrait de tourner la page. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas."

"Pas à la hauteur de la douleur"
Une autre affaire semblable à l’histoire de Nathalie Gervais a fait l’objet d’un article dans le Canard enchaîné, le 18 septembre : l’Oniam a proposé 4 500 € à une mère sous Dépakine qui a accouché d’un enfant mort-né à six mois de grossesse.

"Ce montant laisse pantois. Dans des cas équivalents, des juges ont accordé 25 000 €", rappelle le journal. Dans un conseil d’orientation du 8 novembre 2019 consacré au valproate de sodium commercialisé par Sanofi sous le nom de Dépakine, l’Oniam propose une réévaluation jusqu’à 8 281 €.

Le décret d’application est sorti le 13 mai, après le règlement du dossier Gervais. Marine Martin, présidente de l’Apesac, association des victimes de la Dépakine, s’est battue pour une réévaluation : " La somme, dérisoire, n’est pas à la hauteur de la douleur des familles."

Source : Sophie Guiraud Le Midi Libre