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Des familles malades de la Dépakine un peu soulagées

La République des Pyrennées 

L’annonce de la mise en examen du groupe Sanofi est un tournant pour les victimes. Rencontre avec deux familles dont les vies ont été bouleversées à cause de la Dépakine.

Lorsqu’elle a appris la nouvelle de la mise en examen du groupe Sanofi, ce lundi tard dans la soirée, Guylaine Paillard a ressenti comme un peu de baume au cœur. « Ça m’a soulagé car c’est une bataille de longue haleine », confie cette Géroise, arrivée en 2004 en Béarn avec sa famille pour se rapprocher de ses racines bigourdanes.Une bataille menée auprès de Margaux, sa seconde fille, née en 1998 près de Nancy où elle vivait à l’époque.

 Margaux est une enfant malade de la Dépakine comme beaucoup d’autres, nés de mères épileptiques soignées par ce médicament pendant leur grossesse. Margaux, qui vient d’avoir 22 ans, est aujourd’hui étudiante en BTS dans un lycée privé de Tarbes. Mais ce parcours n’était pas tracé d’avance.« Ma vie entre parenthèses »

« Elle est née sans aucune tonicité musculaire. Après de multiples examens, les médecins nous ont dit qu’elle resterait à l’état de légume », rapporte sa maman. Qu’importe ! Elle s’est battue pour dépasser les retards de langage, l’asthme, la scoliose et les multiples opérations que nécessite au fil des ans l’état de sa fille.

« C’est un combat quotidien. J’ai mis ma vie entre parenthèses pendant dix ans pour lui donner un maximum d’autonomie. J’ai payé le prix fort », témoigne-t-elle encore.Elle qui faisait confiance au corps médical, lequel avait garanti l’innocuité de la Dépakine pour le fœtus durant sa grossesse, est tombée de haut un jour de 2016.« Une plainte au pénal »« Quand le scandale a éclaté, j’ai vu la photo d’un enfant qui présentait une dysmorphie faciale, comme ma fille.

Cela m’a sauté aux yeux », se souvient Guylaine qui a aussitôt contacté l’Apesac, l’association qui regroupe les victimes du médicament. Il lui a fallu un an et demi pour élaborer son dossier, transmis à l’avocat de l’association pour ensuite envisager une plainte contre Sanofi.

Une démarche déjà enclenchée depuis décembre dernier par Nathalie Orti, une Landaise qui vit à Misson, à quelques kilomètres du Béarn. 

Sous Dépakine au moment de sa grossesse, elle est également touchée par les effets du médicament. Son fils Esteban, 13 ans aujourd’hui, souffre de retard intellectuel et de plusieurs malformations. Avec son mari François, il leur a fallu des années pour en découvrir les causes. Deux rapports d’expertises – l’une, judiciaire, l’autre auprès de l’Office d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) – établissent le lien entre la prise du médicament et la santé défaillante d’Esteban.

« Cela a déclenché la plainte au pénal déposée au tribunal de Nanterre », indique Nathalie.

« On espère un procès »Cette dernière, désormais déléguée de l’Apesac pour l’Aquitaine, se réjouit de la mise en examen de Sanofi : « On espère qu’il y aura un procès et que Sanofi sera contraint de se justifier sur les dangers du médicament et sur les informations sur ses effets qu’il n’a pas données.

 »Esteban est scolarisé dans une section spécialisée au collège de Peyrehorade, il suit des cours adaptés à ses traitements qui s’égrainent tout au long des semaines. Margaux, qui vit chez ses parents, est en partie autonome avec sa propre voiture.

Pour leurs familles comme pour toutes les autres, la perspective d’indemnisations financières ne rendra pas leur santé aux enfants. « J’espère seulement que cela permettra de leur assurer un maximum de confort dans l’avenir et que cela permettra aux responsables de se rendre compte du mal qu’ils ont fait », conclut Guylaine Paillard.

Deux chefs de mise en examen

Sanofi est mis en examen pour tromperie aggravée et blessures involontaires.

Ce lundi, le groupe pharmaceutique Sanofi a annoncé sa mise en examen pour « tromperie aggravée et blessures involontaires », à la suite de plus de trois années d’enquête sur la commercialisation de l’antiépileptique Dépakine.

Une procédure avait été lancée en mai 2016 à l’initiative de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), qui représente 4 000 personnes, pour moitié des enfants malades, et s’appuyant sur 14 cas de mères ayant reçu de la Dépakine lors de leur grossesse.

« C’est un retournement du dossier, qui jusqu’ici n’avançait pas beaucoup », s’est réjoui l’avocat de l’Apesac, Charles Joseph-Oudin. Le groupe Sanofi, pour sa part, a estimé que cette mise en examen lui permettrait « de faire valoir tous ses moyens de défense et sera l’occasion de démontrer qu’il a respecté son obligation d’information et fait preuve de transparence ».Ouverte en septembre 2016, l’enquête visait à établir s’il y avait eu « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l’être humain » et couvrait la période allant de 1990 à avril 2015.

L’usine de Mourenx montrée du doigt

L’essentiel de la fabrication de ce médicament provient de l’usine Sanofi de Mourenx (voir Zoom) qui emploie moins d’une centaine de salariés. On se souvient que le groupe s’est retrouvé au cœur d’un autre scandale lié à la Dépakine, environnemental celui-ci, alors que son usine du bassin de Lacq a été mise en cause en 2018 pour des émissions hors norme de rejets toxiques ; notamment du bromopropane, qui entre dans la composition du valproate de sodium.Le groupe avait alors décidé d’arrêter la production afin de réaliser les améliorations techniques nécessaires pour un retour à la normale. Rappelons aussi que les salariés de Sanofi-Mourenx observent un mouvement de grève depuis plus d’une centaine de jours et réclament notamment des primes et la possibilité de départ anticipé à la retraite pour le personnel exposé à ces rejets toxiques.

L’usine de Mourenx est la seule au monde à produire de la Dépakine

L’usine Sanofi de Mourenx, mise en service en 1978, assure pour le groupe pharmaceutique la production des principes actifs de la Dépakine. Et c’est la seule au monde. Ce qui n’est pas sans poser question, surtout quand le bateau tangue, quand il y a un mouvement de grève (comme actuellement, avec une baisse de la production de 50 %), ou quand le groupe est confronté à des problèmes judiciaires, comme ici. Même le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le 23 janvier dernier (avant donc l’annonce de la mise en examen de Sanofi), s’interrogeait sur les conséquences si un jour survenait l’arrêt de l’usine de Mourenx. « Vous n’auriez plus de médicaments pour traiter les crises d’épilepsie dans le monde. On mettrait en danger la vie de dizaines de millions de personnes. C’est pourquoi j’ai fait part à Sanofi de mon souhait qu’il y ait d’autres usines qui fabriquent de la Dépakine dans le monde », expliquait alors Eric Spitz.

Source: La république des pyrénnées 

 

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