Dans la presse en 2020

DÉPAKINE: SWISSMEDIC ET INDUSTRIE PHARMA ÉPINGLÉS

Le Matin.CH

Selon Brigitte Crottaz, présidente ad intérim de la Fédération suisse des patients, le fabricant de la Dépakine a fait preuve de négligence dans ses notices.

L'industrie pharmaceutique a fait preuve d'une grave négligence avec la Dépakine, estime Brigitte Crottaz, présidente ad intérim de la Fédération suisse des patients et conseillère nationale (PS/VD). Ce médicament prescrit à des femmes enceintes pour traiter leur épilepsie a causé des malformations et/ou des troubles du développement mental chez certains enfants.

Interviewée dans «La Liberté» de lundi, la politicienne revient sur des révélations du «Matin Dimanche» et de la «SonntagsZeitung». «C'est assez choquant de voir avec quelle lenteur la notice des médicaments a été changée», estime la Vaudoise, elle-même médecin de formation. «Cela fait perdre confiance dans le système de pharmacovigilance.»

Situation difficile

La situation est très difficile, reconnaît-elle, car de très nombreux médicaments sont incompatibles avec la grossesse. Mais dans le même temps, certains traitements doivent être poursuivis durant cette période.

Visiblement, le fabricant de la Dépakine a fait preuve de négligence dans ses notices, selon Brigitte Crottaz. Ensuite, certains neurologues et gynécologues se sont montrés peu attentifs pour modifier le traitement de la future mère.

Pour la conseillère nationale, il n'est pas exclu que certains médecins aient été négligents dans leur formation continue et n'aient pas pris connaissance de la problématique. En Suisse toutefois, il y a eu davantage de prise de conscience des médecins qu'en France par exemple.

Cela fait peur

Brigitte Crottaz épingle aussi Swissmedic: dans un rapport commandé par le Conseil fédéral, «il est écrit que l'autorité d'autorisation des médicaments n'a pas examiné tous les dossiers transmis depuis 2012. Depuis 1990, 800 signalements ont été faits, et Swissmedic prend plusieurs semaines parfois pour en traiter un». Pour la politicienne, «c'est stupéfiant et cela fait peur».

La conseillère nationale ajoute qu'il faut réfléchir à la restructuration de Swissmedic, afin de rendre ce service plus neutre et plus rapide. Les premiers responsables se trouvent toutefois dans l'industrie pharmaceutique, «qui a encaissé des millions» avec la Dépakine.

Action en justice

La presse dominicale rapportait qu'une dizaine de parents s'attaquent à ce médicament en Suisse. Ils accusent leurs neurologues et le groupe pharmaceutique Sanofi de ne pas les avoir prévenus des dangers pour le foetus de la prise de l'antiépileptique lors des grossesses. Ils auraient lancé une action en justice civile.

La Dépakine est encore largement utilisée aujourd'hui pour traiter l'épilepsie et les migraines. Mais depuis plus de quinze ans, les scientifiques certifient que le valproate de sodium, contenu dans le médicament, crée des troubles du développement psychomoteur, cognitif et mental dans 30 à 40% des cas.

Or les praticiens n'en ont pas informé les futures mères et l'autorité suisse de contrôle des produits pharmaceutiques Swissmedic a émis un avertissement tardif. En Suisse, il y aurait 39 cas déclarés, selon un rapport de Swissmedic, demandé par le Conseil fédéral.

Chiffre «grossièrement sous-évalué»

Mais d'après Thierry Buclin, professeur au service de pharmacologie clinique du CHUV à Lausanne, interrogé par «Le Matin Dimanche», ce chiffre est «grossièrement sous-évalué». Il critique un rapport lacunaire qui n'évoque pas, notamment, l'effet transgénérationnel de la Dépakine, révélé récemment par certains chercheurs. En France, jusqu'à 6500 enfants sont concernés.

Selon la Ligue suisse contre l'épilepsie, plus de 70'000 personnes en Suisse souffrent de cette affection neurologique. (ats/nxp)

Créé: 06.01.2020, 11h26 Source : Matin.CH