Dans la presse en 2019

Charente-Maritime : "On a joué avec nos vies, nous étions des cobayes"

Sud Ouest 

Après avoir découvert qu’elle faisait partie des "enfants Dépakine", du nom de ce médicament anticonvulsivant, Virginie Escloupier-Oulié se bat pour sensibiliser le public et aider les victimes.

On a joué avec nos vies, nous étions des cobayes", soupire Virginie Escloupier-Oulié. Cette éducatrice spécialisée de 35 ans, habitant à Aumagne entre Saint-Jean-d’Angély et Matha, est une des nombreuses victimes de la Dépakine, appellation commerciale du valproate de sodium. La prise de cet anticonvulsivant par sa mère lors de sa grossesse a entraîné chez Virginie et sa sœur cadette d’importants problèmes de santé.

Aujourd’hui, les enfants de Virginie Escloupier-Oulié sont atteints de malformations et de troubles neuro-développementaux. À la suite de son diagnostic, elle s’est engagée au sein de l’Apesac, une association d’aide aux victimes des anticonvulsivants. Au sein de celle-ci, elle se bat pour faire reconnaître l’ampleur du scandale et pour apporter aide et soutien psychologique aux victimes et à leur famille.

 

« Des médecins au courant »

Comme pour beaucoup de familles, c’est une émission visionnée par hasard qui a apporté les réponses à des années de questionnement. « J’avais déjà entendu parler de l’affaire mais je ne connaissais pas vraiment les détails, explique Virginie Escloupier-Oulié. J’ai raté une première émission, puis je suis tombée sur celle de “Sept à Huit”. Et là, j’ai compris. » Elle a immédiatement établi un lien entre la prise de Dépakine par sa mère et ses problèmes de santé, ainsi que ceux de ses enfants. À 9 ans, elle a été atteinte d’une leucémie lymphoblastique et a subi une rechute à 14 ans.

Le traitement, très lourd, a duré jusqu’à ses 17 ans. Si elle a pu poursuivre sa scolarité, l’impact psychologique a été important : « J’ai fréquenté les couloirs d’hôpitaux toute ma jeunesse. J’ai vu des enfants avec qui je m’étais lié mourir. C’était très dur. » Elle est également atteinte de malformations aux pouces et aux genoux pour lesquelles elle doit être opérée dans les mois à venir.

« Des documents médicaux de l’époque montrent que certains médecins étaient au courant, s’indigne Virginie Escloupier-Oulié. Ils savaient que la prescription d’anticonvulsivants à une femme enceinte pouvait avoir des effets sur l’enfant. »

6 570 victimes recensées

Sur l’enfant, mais aussi sur les générations suivantes. Les deux enfants de Virginie sont ainsi atteints de malformations et de troubles neuro-développementaux. Lilou, sa fille de 10 ans, présente des troubles multi-dys : elle est dyspraxique, dysgraphique, dysorthographique. Elle est également atteinte de troubles visuels pour lesquels elle suit une rééducation. Des problèmes de pieds creux ont entraîné chez la jeune fille une lordose, une déformation de la colonne vertébrale.

Esteban, 7 ans, est lui atteint d’un spina-bifida occulta, une malformation de la vertèbre, ainsi que d’une vessie hyperactive et d’une malformation de l’urètre, pour laquelle il a été opéré. Virginie Escloupier-Oulié s’investit désormais au sein de l’Apesac pour sensibiliser le public, recenser les cas et les transmettre auprès du cabinet d’avocat Dante, en charge du dossier. Ce sont déjà 6 570 victimes qui ont été recensées au niveau national par l’association, dont 220 en Poitou-Charentes. Mais au-delà du combat légal, il s’agit aussi d’apporter un soutien aux victimes et à leurs familles : « Nous organisons des assemblées régionales plusieurs fois par an pour informer les membres des actions menées et leur permettre d’échanger, de partager leurs expériences. »

L’association a jusqu’à présent obtenu l’apposition d’un pictogramme sur les boîtes de médicaments concernés et la mise en place d’un protocole de consentement éclairé lors de la prescription. « Nous voulons faire passer des lois pour protéger les gens, pas pour interdire les anticonvulsivants, assure Virginie Escloupier-Oulié. Nous savons que certaines personnes ne peuvent pas vivre sans. »

L’Apesac réclame désormais l’indemnisation des victimes au titre du préjudice subi et la reconnaissance de la fœtopathie comme handicap. « Nous nous battons pour que chaque enfant puisse bénéficier de l’aide dont il a besoin. » L’association a remporté une première victoire avec la mise en place, en 2017, d’un fonds d’indemnisation.

Mais le combat est encore loin d’être gagné : le laboratoire pharmaceutique Sanofi, qui commercialisait la Dépakine, a refusé de participer à l’indemnisation des victimes, rejetant la responsabilité sur l’État.

Contact : www.apesac.org

 

Source :Sud Ouest