Dans la presse en 2019

Antiépileptiques : il n’y a pas que la Dépakine qui présente un danger

Le Parisien 

 Dans un rapport qui sort ce jeudi, l’agence du médicament pointe les risques de prise d’antiépileptiques chez les femmes enceintes. D’autres molécules que celles de la Dépakine sont à risque.

« Je n’ai aucun doute. Si mes enfants sont malades, c’est à cause de l’antiépileptique que j’ai pris enceinte ! ». On pourrait croire que Sandrine Duverger, 41 ans, parle ici de la Dépakine. Ce médicament, à l’origine d’un scandale sanitaire, qui a provoqué de graves malformations chez des dizaines de milliers enfants. Il n'en est rien. Lors de ses grossesses, cette assistante maternelle bordelaise, a pris un autre comprimé. Son nom : l’Alepsal, sa molécule le « phénobarbital ».Et si on s’était uniquement focalisé sur la Dépakine ? Si les autres antiépileptiques étaient aussi toxiques pour le fœtus ? Aujourd’hui, ce n’est plus une simple hypothèse. C’est ce que montre un rapport d’évaluation de l’Agence du médicament (ANSM) sur les dangers de ces traitements durant la grossesse que nous nous sommes procuré. Plus de la moitié présente un risque de malformations très élevées, d’anomalies du champ visuel, de retards de croissance. Pour aucun, le risque n’est évacué avec certitude. Sur le graphique de couleurs de l’ANSM, le phénobarbital figure en haut, en orange, juste en dessous de la Dépakine, en vermillon. « Ça ne m’étonne pas, réagit Sandrine, mon fils est tellement atteint que cette molécule devrait aussi figurer en rouge ».

Malformations au visageCette jeune femme, traitée pour son épilepsie depuis ses 17 ans, a longtemps pris de la Dépakine. Mais son médecin l’avait prévenue. Quand vous aurez des enfants, changez de traitement ! Et c’est ce qu’elle a fait en 2000. D’abord, sous Tegretol, elle est victime d’un décollement de placenta et d’une fausse couche. « Est-ce la faute à pas de chance, je n’en sais rien », s’interroge-t-elle, alors que cet antiépileptique fait aussi partie des traitements les plus à risque pointés par l’ANSM.

 

Sandrine change de comprimé, opte pour l’Alepsal, retombe enceinte rapidement. À nouveau son placenta se décolle mais sa fille est sauvée. Manon naît en 2001.« Elle était belle, formidable, paraissait totalement normale », sourit-elle. Jusqu’à son entrée en maternelle. La petite fille inverse les lettres, « papa » et « maman » deviennent « mpapa ». Elle est diagnostiquée dyslexique, dysorthographique. Même problème avec les chiffres. La petite enchaîne aussi les infections aux reins. Mais « elle va bien », relativise sa maman. Celui qui l’inquiète le plus, c’est son fils, Matthéo, 12 ans. Dès sa naissance, son visage est noir, signe d’un taux de globules rouges trop élevé, avec des malformations comme un nez plat et une vision rétrécie à gauche.Elle veut des indemnisationsC’est alors que Sandrine fait le lien avec son antiépileptique et contacte l’association d’aide aux parents .

 

En grandissant, rien ne s’améliore. Son fils présente les mêmes problèmes que sa sœur en plus de ses troubles du développement. « Il est aussi diabétique depuis un an. Très angoissé, il a tellement consulté de médecins qu’il ne veut plus en voir ».Sandrine a fait tous les tests génétiques possibles en vain. « On se dit pourquoi nous ? souffle-t-elle : Aujourd’hui on veut des indemnisations pour nos enfants ». Elle n’a pas voulu avoir d’autre bébé. Trop peur de cette question : « Comment sera le prochain ? ».-

N’arrêtez pas votre traitement sans l’avis d’un médecin

Sur la vingtaine de molécules contre l’épilepsie, près d’une dizaine présente des risques selon le rapport de l’ANSM. Si le valproate, molécule de la Dépakine reste celle qui entraîne « le plus de malformations », d’autres substances présentent un profil « particulièrement préoccupant » comme le Topiramate (Epitomax et génériques). Ainsi, sa fréquence globale des malformations est augmentée « d’un facteur trois par rapport à la population générale ». Un risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux est également signalé chez l’enfant.Attention, si vous prenez ces traitements, ne les arrêtez pas sans l’avis de votre médecin. Le risque peut être vital pour la maman. « Cela peut être dangereux pour elle et pour son enfant à naître si elle est enceinte », rappelle l’ANSM, qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview. En France, on estime à 100 000 le nombre de patientes épileptiques en âge d’avoir des enfants.