Dans la presse en 2018

Sanofi : victimes de la Dépakine et riverains de Mourenx se rapprochent

Sud Ouest 

Les rejets toxiques hors-norme de l’usine Sanofi Chimie de Mourenx (64) concernent, entre autres, la substance active du médicament à l’origine de milliers de malformations

Quand Marine Martin a appris dans la presse, le 9 juillet, que l’usine Sanofi Chimie de Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, avait été épinglée pour ses rejets toxiques, son sang n’a fait qu’un tour. « J’ai été estomaquée par les quantités rejetées, en particulier de valproate de sodium. 13 à 20 tonnes par an ! C’est monstrueux. »

« Ils savaient qu’ils émettaient des rejets avant 2015 et ils n’ont rien fait. C’est hallucinant ! »

La présidente de l’Apesac, l’association nationale des victimes de la Dépakine (1), connaît bien le produit en question. Et pour cause. Il s’agit de la substance active du médicament antiépileptique de Sanofi au cœur d’un scandale sanitaire. Une étude de l’Agence du médicament, publiée le 22 juin dernier, fait état de 16 600 à 30 400 enfants victimes de malformations ou de troubles du comportement après avoir été exposés à quelques milligrammes de valproate de sodium dans le ventre de leur mère.

Convergence des luttes

Marine Martin s’est rapidement rapprochée des associations environnementales et de riverains du bassin de Lacq, où est implantée l’usine de Sanofi Chimie – à l’arrêt depuis le 10 juillet –, qui produit la majorité du valproate au niveau mondial. Pour exprimer sa solidarité, d’abord, mais aussi pour envisager une lutte conjointe. « Il faut se fédérer, face à des géants qui sont dans le déni et se reposent sur le défaut de surveillance de l’État dès qu’il s’agit d’endosser les responsabilités. » Et de rappeler que la multinationale française de la pharmacie, poursuivie par l’Apesac depuis 2011, a été condamnée, en novembre dernier, avant de se pourvoir en cassation.

Du côté du bassin de Lacq, on espère qu’un tel rapprochement permettra d’avoir une meilleure expertise sur les effets du valproate. Sollicitée en urgence après la révélation des rejets de l’usine de Mourenx, une étude des autorités sanitaires a conclu qu’il n’était « aujourd’hui pas possible d’écarter des effets neurodéveloppementaux et néfastes sur la reproduction chez les enfants ». « Ils savaient qu’ils émettaient des rejets avant 2015 et ils n’ont rien fait. C’est hallucinant ! » s’exclame Marine Martin. Elle espère qu’après les riverains (Arsil) et les associations environnementales (Sepanso et France nature environnement), les salariés porteront plainte à leur tour pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

« Le discrédit sur les salariés »

Jean-Louis Peyren, délégué CGT chez Sanofi, explique que le syndicat envisage, dans un premier temps, de se constituer partie civile pour pouvoir avoir accès aux pièces du dossier. En attendant, la CGT a saisi, la semaine dernière, l’Inspection du travail « pour savoir si les salariés de la plateforme ont pu être intoxiqués ». « Ce qui se passe est catastrophique. Une honte pour Sanofi. Cela jette le discrédit sur tous les salariés du groupe. On est là pour permettre aux gens de se soigner, pas pour les rendre malades ! »

 
 

En réponse à une lettre ouverte de son syndicat l’accusant, entre autres, d’avoir manqué à ses obligations de protection de la santé des salariés et des riverains, la direction de Sanofi assurait en réponse, le 17 juillet : « Les actions techniques de réduction et de contrôle de nos rejets sur le site de Mourenx se poursuivent, dans le dialogue avec les autorités. Vous savez pouvoir faire confiance en Sanofi Chimie pour assumer sa mission d’acteur industriel français dans la santé. »(1) L’Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant.

Des alertes dès 2013

L’entreprise, qui a diligenté une enquête « pour mieux comprendre les causes et l’historique de la situation » dans son usine de Mourenx, avait déjà été épinglée par les autorités dès 2013 concernant les rejets non contrôlés de valproate de sodium de cette même usine. Dans un arrêté du 4 décembre 2014, les autorités évoquaient « des dépassements observés à plusieurs reprises, en 2013 » avec des rejets de « gouttelettes d’eau chargées de valproate de sodium sur les toits ». Le préfet réclamait alors de Sanofi Chimie qu’elle « engage, sous un mois, une campagne de mesures  » et qu’elle « caractérise son potentiel impact sanitaire passé et présent »

.Source: Sud Ouest