Dans la presse en 2018

Après les handicaps des bébés, les rejets hors norme de l’usine Dépakine

Le Lanceur 

Alors que les procédures judiciaires s’accumulent contre le laboratoire Sanofi à propos des risques de la Dépakine prescrite à des femmes enceintes, l’association France Nature Environnement a annoncé porter plainte face aux rejets toxiques de l’usine de fabrication de l’antiépileptique.

Un nouveau volet de l’affaire Dépakine vient ébranler le groupe pharmaceutique Sanofi. À Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, l’usine de fabrication de l’antiépileptique aurait rejeté au mois d’avril dernier 7000 fois plus de polluants qu’autorisé. Les rejets de bromopropane, une substance classée cancérigène mutagène, avec des effets susceptibles de diminuer la fécondité, auraient quant à eux dépassé 190.000 fois la norme fixée par arrêté préfectoral. Comme le révèlent France Info et Mediapart, l’association France Nature Environnement veut porter plainte, pointant du doigt cinq polluants connus pour aggraver la pollution atmosphérique et suspectés de provoquer des problèmes respiratoires chez les populations autour de l’usine.

Du côté de Sanofi, le groupe assure avoir mené une étude d’impact sanitaire qui aurait conclu “que les populations ne sont pas exposées à des niveaux supérieurs aux seuils fixés par la réglementation française”.Mise en demeure, l’usine doit faire des travaux d’ici à la fin juillet pour réduire ces rejets. Une pollution hors norme qui intervient quelques semaines après la sortie d’une étude très attendue de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette dernière estime que l’antiépileptique prescrit pendant des années à des femmes enceintes a provoqué des troubles du développement chez 16.600 à 30.400 enfants. Ces chiffres, estimés à partir du système national des données de santé (SNDS), sont contestés par le laboratoire. Un autre volet de l’étude estime que les malformations physiques des bébés liées à la prise de Dépakine par leur mère pendant la grossesse touchent entre 2.150 et 4.100 enfants.

Il n’est pas défendable qu’un État paye à la place d’un laboratoire”

Cette étude vient confirmer les chiffres avancés par l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsant (Apesac), présidée par Marine Martin. Depuis des années, cette mère de famille inspirée par le combat d’Irène Frachon face au Mediator, lutte en faveur d’une meilleure information sur les risques de ce médicament pendant la grossesse et pour l’indemnisation des familles touchées. “Ce que souhaitent les victimes, dit-elle, c’est que le laboratoire prenne part aux frais de procédure, car aujourd’hui les experts qui siègent pour évaluer les dossiers des enfants Dépakine sont payés par l’État. Nous espérons aussi que Sanofi participe au fonds, car là encore c’est l’argent du contribuable et il n’est pas défendable qu’un État paye à la place d’un laboratoire.”

Si la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a assuré sur France Inter que des discussions avaient lieuavec Sanofi et que l’État se retournerait contre le laboratoire si aucun représentant ne venait aux réunions de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), le discours du groupe pharmaceutique est tout autre. “Aujourd’hui, les discussions pour une contribution financière n’ont pas été possibles et il n’y en a pas eu, explique le laboratoire. L’objectif de l’Oniam est de constater effectivement une problématique et d’y répondre, d’identifier des personnes dans le besoin et de les indemniser parce que c’est de l’urgence, c’est le rôle de l’Oniam. La réunion d’information à l’Oniam du 6 juillet n’a absolument pas pour objet d’évoquer d’éventuelles contributions financières et ne préjuge en rien de la responsabilité de quiconque. À partir du moment où il y a beaucoup de procédures judiciaires, nous attendons leur extinction.”

Parmi ces procédures judiciaires, une plainte pénale contre X qui a abouti à l’ouverture d’une enquête du parquet de Paris il y a deux ans. Les familles portent également l’une des premières actions de groupe en justice pour “défaut d’information sur les notices”. “À chaque fois, il y a des renvois, des retours et des demandes de la part de Sanofi pour des délais supplémentaires. Concernant la demande au tribunal de grande instance d’ordonner une consignation de 400 millions d’euros par Sanofi, rien n’a été statué non plus”, explique Marine Martin.

Une seule condamnation a été prononcée récemment contre Sanofi, par la cour d’appel d’Orléans, pour défaut d’information. Condamné à régler 3 millions d’euros, le laboratoire se pourvoit en cassation et estime qu’il s’agit d’“un cas particulier puisqu’il s’agit d’un bébé né sans avant-bras et aveugle et que la problématique des malformations liées à la prise de Dépakine est connue depuis les années 80 et enseignée dans les facultés de médecine, contrairement aux effets qui impactent le développement neurologique de l’enfant, dont les remontées grâce à la pharmacovigilance ont commencé dans les années 2000”. Pour l’heure, l’État a budgeté cette année une enveloppe de 77 millions d’euros, destinée à indemniser les familles des “bébés Dépakine”.

Source : le lanceur