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Dans la presse en 2016

EFFETS INDÉSIRABLES : QUAND LE MÉDICAMENT TUE DANS L’INDIFFÉRENCE GÉNÉRALE

66 Millions d'Impatients

Journaliste spécialisé en santé pour l’hebdomadaire Marianne, Clotilde Cadu vient de publier « Effets indésirables », un livre poignant dans lequel elle donne la parole à plusieurs victimes d’effets indésirables liés aux médicaments.

Et pointe à nouveau les dysfonctionnements de la chaîne de distribution des produits pharmaceutiques.

 

« C’est toujours la même histoire, se désole Clotilde Cadu, journaliste santé à Marianne, en préambule d’un ouvrage (1) qu’elle vient de publier sur les effets indésirables des médicaments. Un jour, un homme, une femme dépose une plainte auprès d’un tribunal. Celle-ci vise un laboratoire pharmaceutique, une agence sanitaire, un médecin prescripteur. Souvent il est question d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne humaine, de blessures involontaires, de défaut d’informations, de tromperie ».

Un scénario qui se répète sans véritables contre-mesures

Et la journaliste de poursuivre : « Les médias s’emparent de la démarche et décident d’enquêter sur ce qui devient rapidement le nouveau scandale sanitaire qui aurait pu être évité. Les faits sont généralement accablants : ceux qui devaient savoir savaient, personne n’a rien dit, personne n’a rien fait. Les risques de ce médicament étaient connus mais l’industriel a omis de les signaler ou bien les autorités sanitaires ont tardé à ouvrir les yeux. (…) Les effets indésirables étaient signalés mais personne n’a pris au sérieux les patients qui évoquaient un possible lien de cause à effet entre ce médicament et une pathologie survenue brutalement.
Les pouvoirs publics réagissent alors au quart de tour en catastrophe. Le médicament est immédiatement retiré, sa prescription est strictement encadrée. L’Assemblée nationale, le Sénat, l’Inspection générale des affaires sociales, la Cour des comptes pondent des rapports pour analyser les dysfonctionnements et proposer des solutions pour que ça ne se reproduise plus. Et cela se reproduit… »

Voici, en quelques lignes, résumé le déroulé des catastrophes sanitaires qui régulièrement font les manchettes. Mediator, pilules de 2ème et 3ème génération, Distilbène, Dépakine… Clotilde Cadu s’est rendu au chevet de plusieurs victimes d’effets indésirables liés aux médicaments – ou de leurs proches quand elles sont décédées – afin de rendre compte de leur calvaire. Calvaire en matière de santé, il va sans dire, mais aussi calvaire pour faire reconnaître le préjudice subi et espérer obtenir une indemnisation.

La responsabilité des prescripteurs largement mise en cause

Exemple avec Marine, traitée depuis son enfance par la Dépakine pour cause d’épilepsie. « En cas de grossesse, prévenez votre médecin », indiquait la notice du médicament fabriqué par Sanofi au moment où elle commence à avoir des désirs d’enfants. « Marine a fait mieux que ça, rapporte Clotilde Cadu : elle a averti son neurologue, son gynécologue, son généraliste ». A l’unisson, les médecins l’ont informée qu’il n’y avait pas de problème.

Ses deux enfants aujourd’hui âgés de 12 et 16 ans sont atteints d’embryofœtopathie à l’acide Valproïque (troubles du comportement, maladresse, retard psychomoteurs) que les experts ont d’ores et déjà attribuée à la consommation de Dépakine pendant les deux grossesses de Marine. Rappelons que les risques que présente le médicament pour l’embryon sont connus depuis près de 40 ans. Les personnes concernées ou en tout cas qui pensent qu’elles pourraient l’être par les effets délétères du médicament sont invitées à se rapprocher de l’Association d'Aide aux Parents d'Enfants souffrant du Syndrome de l'Anti-Convulsivant (Apesac), dont la présidente n’est autre que… Marine.

Dans cet ouvrage, Clotilde Cadu dénonce une nouvelle fois la légèreté des médecins prescripteurs, le cynisme des laboratoires pharmaceutiques et l’incapacité chronique des pouvoirs publics à jouer leur rôle de régulateur. Comment supporter en effet que – autre exemple –  le Mediator ait pu être prescrit aussi massivement pendant toutes ces années alors que les risques que présentait la molécule pour la santé étaient identifiés et que – cerise sur le gâteau – nombreux étaient ceux qui savaient, parmi les pouvoirs publics y compris, que le médicament du laboratoire Servier était prescrit n’importe comment.

Mediator : le risque était connu depuis belle lurette

Dès septembre 1998, Hubert Allemand, médecin conseil de la Caisse nationale d’Assurance maladie (il a occupé cette fonction jusqu’à son départ en retraite en 2013), alertait dans un courrier le directeur général de l’agence du médicament sur le nombre « important de cas correspondant à des prescriptions médicales se situant hors du champ médical des indications thérapeutiques prévues par l’autorisation de mise sur le marché ».

A l’appui de cette missive, une étude menée par l’Union régionale des caisses d’assurance maladie de Bourgogne sur un échantillon de 568 prescriptions de Mediator présentées au remboursement pendant 5 jours en avril 1997 révélait que dans 35% des cas les indications thérapeutiques n’étaient pas respectées. Ce taux était de 43 % chez les patients de sexe féminin.

Fort de ce constat, la Cnam estimait urgent de procéder à une réévaluation de l’utilité du Mediator, estimant également nécessaire « d’alerter l’Agence du médicament sur l’utilisation non contrôlée d’un produit de structure amphétaminique, dans un but anorexigène ». Le Mediator continuera d’être commercialisé pendant 11 ans. Vous avez dit apathie ? Entre 2000 et 2009, le médicament de Servier coûtera plus de 220 millions d’euros aux contribuables français.

malgré les obstacles, 15 ans de procédure, d’appels, de pourvois en cassation, des femmes et des hommes continuent à se battre pour que soit reconnu le droit des victimes. Avec, parfois, au bout du compte, une victoire.

Des milliers de vies gâchées par le cynisme des différents acteurs

Sur sa dernière année de commercialisation, près de 400 000 Français ont consommé du Mediator. Une étude publiée en 2012 montre que le médicament a causé 3 100 hospitalisations et 1 300 morts entre 1976 et son retrait du marché en 2009, étude citée dans un article du Monde, « Le Mediator aurait fait jusqu'à 1 800 morts ». Un chiffre auquel il faut ajouter, rappelle Clotilde Cadu, « tous ceux qui sont encore en vie mais handicapés, diminués, par une valvulopathie ou par une fuite de la valve mitrale plus ou moins importante ».

La réparation du préjudice – un thème central dans l’ouvrage de la journaliste – est un second chemin de croix pour les victimes. « Pendant des années, elles se heurtent à un système médical et judiciaire qui peine à prendre en compte le droit des victimes de médicament. Entre les préjugés de certains médecins, la puissance des laboratoires pharmaceutiques, le parapluie juridique que constitue la notice du médicament, nombre d’entre elles se découragent. Mais malgré les obstacles, 15 ans de procédure, d’appels, de pourvois en cassation, des femmes et des hommes continuent à se battre pour que soit reconnu le droit des victimes. Avec, parfois, au bout du compte, une victoire »…

66 Millions d’IMpatients salue la publication de cet ouvrage et la mise en lumière qu’il propose sur le quotidien des patients victimes d’effets indésirables. Espérons que les dysfonctionnements qu’il pointe sauront rappeler leurs responsabilités aux différents acteurs de la chaîne du médicament. On peut toujours rêver…

(1) Effets indésirables – Victime des médicaments, Clotilde Cadu, éd. Hugo Doc, janvier 2016, 235 pages, 17,50 €.

Source : http://www.66millionsdimpatients.org/effets-indesirables-quand-le-medicament-tue-dans-lindifference-generale/

POUR ALLER PLUS LOIN : 

Retrouvez sur le site du Collectif interassociatif sur la santé (CISS, éditeur de 66 Millions d’Impatients), une fiche pratique précisant les démarches à effectuer en cas d’accident médical afin d’obtenir réparation de son préjudice.