Ayant reçu son autorisation de mise sur le marché en 1960, ce produit a été essentiellement prescrit comme anti-épileptique puis pour les troubles de l’humeur. La littérature scientifique a commencé à aborder la question des effets secondaires sur le fœtus en 1982 (The Lancet), puis régulièrement les années suivantes. En 1994, un article dans la revue Developmental Medicine and Child Neurology écrit : «Toutes les mères épileptiques traitées devraient être averties du risque tératogène [qui peut provoquer des malformations chez l’enfant, ndlr] du valproate pendant la grossesse, de façon à ce que le traitement puisse être éventuellement remis en question». Pourtant, dans le Vidal (l’ouvrage médical décrivant les caractéristiques des médicaments), jusqu’en 2006, on pouvait lire au paragraphe concernant la grossesse : «Chez une femme épileptique traitée par le valproate, il ne semble pas légitime de déconseiller une conception.» Ce n’est qu’en 2007 que cette mention est remplacée par «si une grossesse est envisagée, toutes les mesures seront mises en œuvre pour envisager le recours à d’autres thérapeutiques».

Des années de combat des associations

Bref, le danger est là, mais on le signale a minima. «A nous, on ne nous a rien dit», insiste Marine Martin qui décide, en 2011, de créer l’Apesac. Aujourd’hui, l’association revendique 300 membres représentant 500 enfants touchés. «C’est grâce à l’action des associations de victimes, d’abord britanniques puis françaises, que l’Agence européenne du médicament, saisie par l’agence anglaise en 2013, a procédé à une réévaluation du médicament, aboutissant, en novembre 2014, à de profondes modifications des conditions de prescription et des informations à destination des patientes figurant sur la notice», rappelle le député Gérard Bapt.

Mais il est tard, bien tard. En France, selon le Figaro, il n’y aurait «pas moins de 425 naissances entre 2006 et 2014 avec des malformations liées au valproate qui auraient pu être évitées en France». Ce chiffre est extrapolé à partir du registre des malformations en région Rhône-Alpes. «Comme dans le dossier Mediator, il aura fallu des années de combat des associations et l’intervention de l’Agence européenne des médicaments pour qu’il soit recommandé de cesser de prescrire ces produits à des femmes en âge de procréer», déplore Charles Joseph-Oudin, l’avocat des familles.

Selon l’agence européenne, le risque est fort. Les problèmes de développement apparaissent chez 30 à 40% des enfants exposés à la Dépakine. En France en 2014, 135 000 patientes de moins de 55 ans sont sous Dépakine. Début juin, Martine Martin a décidé d’attaquer Sanofi pour non-signalement d’effets indésirables graves pour les femmes enceintes. «Pourquoi les agences sanitaires se sont tues ? Pourquoi les neurologues n’ont-ils rien dit ?»

Eric Favereau