Témoignages

Témoignage : Notre fils, dépressif, est revenu vivre à la maison

 Bonjour Céline, racontez-moi votre histoire.

J’ai fais ma 1ère crise partielle à l’age de 8 ans, en classe, mais il a fallu attendre l’âge de 11 ans et une crise grand mal pour que je vois un neurologue. J’ai débuté mon traitement à la dépakine chrono 500 (4 fois par jour), plus du Tégrétol. J’ai eu mes 3 enfants sous ce traitement.

 

De quoi souffrent vos enfants ?

Grégoire, l'ainé, a 32 ans, il est né prématuré, il faisait 1kg 910. Il avait une malformation, un hypospadias (anomalie congénitale du pénis) qui a été mis sur le compte de la vie à la campagne et des pesticides. Il avait des problèmes de comportements, un léger retard, on a fait des tests et il s’est avéré qu’il a le Syndrome du X fragile mineur, qui n’a pas d’effet sur son intelligence (ce syndrome se manifeste surtout chez les garçons par un retard mental en général modéré et par des troubles du comportement).

Julien a 29 ans, il est né hypotrophique (retard de croissance). Depuis petit il souffre de graves troubles du comportements, le diagnostique autistique n’a jamais été posé, même si un pédopsychiatre l’avait évoqué à l’époque. Il souffre de troubles de l'attention avec hyperactivité (TDAH), de troubles des interactions sociales.

A l’école c’était très compliqué, j’ai dû forcer les portes pour assister aux réunions pédagogiques auxquelles je n’étais pas conviée. Julien est allé en ITEP quelques années (Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique), puis il est retourné en 6ème classique avec un accompagnement de l’ITEP. Il a fini par obtenir un BAC professionnel et un BEP menuiserie.

Notre fils est dépressif, il s’automutile depuis longtemps. Il a des cicatrices de scarifications sur tout le corps. Il a arrêté pendant un moment, après que sa sœur l’ai surpris, mais nous venons de découvrir qu’il avait recommencé.

Sandra a 20 ans, Quand elle était petite elle n’était pas autonome, elle avait de grandes difficultés scolaires. Elle faisait de son mieux mais elle souffrait d’une lenteur globale.

Elle a quand même eu une scolarité en milieu ordinaire, elle avait un suivi orthophonie mais ses troubles de dysgraphie n’ont été repérés qu’ à l'âge de 15 ans. Elle compensait probablement par plus d'efforts mais elle ne finissait jamais dans les temps.

Un jour elle nous a avoué qu’elle ne voulait pas dire que ça n’allait pas car nous avions déjà trop de problèmes avec son frère Julien.

A l’âge de 17 ans elle a fait sa première crise d’épilepsie, depuis elle est traitée sous Lamictal.

En 2018 nous avons fait une consultation génétique en 2018 pour nos enfants, Julien et Sandra ont le syndrome de Prader-Willi (délétion du chromosome 15)

 

Comment se déroule le quotidien de vos enfants ?

Grégoire est indépendant, il travaille depuis 8 ans chez Michelin, il a un poste évolutif d’encadrement, il est pacsé mais n’a pas encore d’enfants.

Sandra vit au Mans avec son amie, elle a eu son BAC grâce aux aménagements du temps d’examen. Elle a aussi obtenu son permis. Elle a tenté un apprentissage mais c’était trop dur pour elle. Elle a échoué, et elle a arrêté ses études, depuis elle enchaîne les petits boulots, elle n’a rien de stable.

Julien était partit de la maison depuis décembre 2019, il travaillait en Intérim en menuiserie, il vivait avec sa compagne. Il était toujours dépressif et avait arrêté de prendre soin de lui.

En quelques mois ça a été la dégringolade, il a perdu son permis, il a perdu son travail, il s’est séparé de sa compagne, et il a dû revenir s’installer chez nous.

Là il vit très mal cette période, il est toujours en forte dépression, nous faisons tout ce que nous pouvons pour l’aider. Je l’accompagne à tous ses rendez-vous médicaux car il s’était laissé aller sur sa santé.

Les "soucis" de Julien sont notre priorité actuelle. C'est très lourd à porter un jeune qui ne gère rien, comme l'enfant qu'il était, et qui a maintenant ajouté la dépression avérée et les séquelles de l'éthylisme. Il a un comportement autodestructeur, on fait tout notre possible mais c’est vraiment très difficile.

 

Vous avez déposé un dossier à l'ONIAM pour vos enfants, avez vous eut un retour?

En décembre 2017 j’ai débuté les procédures. Nous avons déposé des dossiers pour nos trois enfants. Le dossier définitif a été envoyé fin novembre 2018, presque un an après.

A l’époque, nous avions contacté l’APESAC et obtenus tous les renseignements pour mener à bien la demande à l’ONIAM et nous sommes passés par le cabinet Dante.

Le 1er retour de l’ONIAM est arrivé en juillet 2020, pour nous dire que pour Julien et Sandra les dossiers étaient complets, pour Grégoire ils ont demandés si nous avions d’autres pièces à ajouter.

Je déplore la lenteur du traitement des dossiers, toutes les familles veulent la même chose, une reconnaissance du valproate dans l’état de santé de leurs enfants.

 

Une réforme du PNDS (Protocole National de Diagnostique et de Soins) est en cours, les médias en ont parlés, quel est votre sentiment face à cela?

Quand j’ai débuté les démarches et que j’ai appris ce que la Dépakine avait causé à mes enfants, j’ai imprimé le PNDS et mis en fluo toutes les pathologies de chacun de mes enfants et je l’ai donné à mon médecin traitant pour qu’il réalise enfin l’impact de ce médicaments sur eux. Le document était presque entièrement colorié tellement ils sont touchés.

Déjà que nous avions remarqué qu’à l’ONIAM ils ne tenaient pas toujours compte du PNDS et des pathologies listées, et que parfois ils écartaient les conclusions des médecins qui eux avaient vus nos enfants. Refaire ce document en défaveur des victimes, c’est clairement du mépris !

Dans l’actuel PNDS, les pathologies sont bien listées, là avec ce nouveau document on cherche à écarter des enfants pour une histoire d’argent, ils sont déshumanisés. Cette reforme est un scandale, je souhaite qu’elle ne passe pas.

Je suis écœurée, nos enfants n’ont rien demandé, leur seule faute est d’être nés d’une mère épileptique.

 

Un mot pour la fin?

Si c’était à refaire je ne pense pas qu’on le referait. Nous en parlions trop, cela a pris trop de temps, il a fallu se replonger dans tout ce que l'on avait vécu. C’était très éprouvant pour notre famille. Les enfants d’ailleurs ne veulent plus en parler.

L’APESAC et le groupe privé sur Facebook nous ont beaucoup soutenus, c’est vraiment un groupe d’entraide. Lorsqu’on a découvert le scandale, et lors de la création des dossiers j’ai pu avoir de bonnes informations, et les échanger. Comment récupérer des documents médicaux, comment faire les prises en charges pour les enfants.

Je le ressens moins maintenant, nous sommes beaucoup à avoir débuter à peu près au même moment, et nous sommes tous dans l’attente, c’est assez pesant.

J’ai envie de prendre du recul par rapport à ce combat, de terminer ce dossier car il le faut, mais ensuite, quand on aura la réponse définitive, je pense qu’on fera un break, on en a besoin.

Je suis éreintée et déçue de voir encore des familles touchées, de voir des médecins, des professionnels de la santé faire encore comme si les anti-epileptiques n’étaient pas dangereux.

J’ai hâte que ça se termine.

 

Propos recueillis par Emilie DECHATRES

Le témoignage a été anonymisé